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retranscription de l’audition du 4 septembre 2018

Paris, le 4 septembre 2018

 

 

Objet : séance du mardi 4 septembre 2018 consacrée à l’absence d’écoles et d’établissements scolaires dans certains territoires.

Audition consacrée à l’absence d’écoles et d’établissements scolaires dans certains territoires.

Daniel Guillon, président de l’union des délégués départementaux de l’Education Nationale de Vendée

Yolande Burneleau, présidente de l’Association des familles laïques

Dominique Monnery, Carrefour d’action laïque de Vendée – Fédération des oeuvres laïques

Gilles Bourmaud, président de l’Observatoire Vendéen de la Laïcité – Georges Clemenceau et Jean Burneleau, vice-président

Mathias Triballeau, président de la FCPE Vendée

La représentante de la FCPE Morbihan est excusée

Ø M. Jean-Louis Bianco, Président :

Mesdames et Messieurs, merci d’être présents aujourd’hui pour nous faire état, d’une part de vos constatations quant à un éventuel manquement des pouvoirs publics en ce qui concerne l’obligation de créer des écoles et établissements scolaires sur l’ensemble du territoire, d’autre part de vos préconisations pour y répondre si celui-ci était avéré.

Je vous remercie et vous laisse la parole, à chacune de vos associations successivement, pour le temps que vous souhaitez.

Ø M. Gilles Bourmaud, président de l’Observatoire Vendéen de la Laïcité – Georges Clemenceau :

Je voulais tout d’abord vous remercier de nous auditionner sur un sujet qui nous tient à cœur.

En guise d’introduction générale, je souhaiterais rappeler le statut « spécifique » du territoire vendéen. En Vendée, les services publics ne cherchent pas à ce que l’enseignement public, comme le veut la République, couvre l’ensemble du territoire mais s’en tiennent à ce que l’enseignement en général, et donc avec l’enseignement privé, réponde si possible aux besoins de la population.

Tout cela avec un objectif permanent de la plupart des collectivités territoriales : assurer au moins la stricte égalité des financements, sans supporter les mêmes obligations éventuellement. Toutes les dépenses obligatoires sont bien sûr assurées au maximum, en tenant compte en permanence des décisions jurisprudentielles favorables mais les aides facultatives relèvent d’une grande ingéniosité dans l’utilisation parfois de vieux textes (investissements, actions éducatives, garanties d’emprunt,,,).

La région privilégie le financement des établissements privés en majorant ses contributions au fonctionnement et en augmentant ses subventions d’investissement (+887,598 € en 2018). C’est dans l’enseignement supérieur, le grand oublié de la décentralisation, que les politiques sont les plus inégalitaires : l’extension de l’ICES ( catholique) est déjà évoquée comme dossier à suivre alors que la collectivité territoriale se désinvestit du supérieur public.

Le département de Vendée lui aussi affiche clairement sa volonté de maintenir le libre accès à l’enseignement choisi en assurant l’égalité entre les deux enseignements, y compris en prévoyant des garanties d’emprunt et en aidant les sorties scolaires et les voyages : là, en 2018, l’enseignement privé (54% des élèves) a reçu le double de subvention de l’enseignement public.

De plus en plus de voix s’élèvent d’ailleurs pour réclamer un contrôle de l’utilisation des subventions qui actuellement n’existe pas dans le privé.

Nous constatons des aides au bâtiment pour le premier degré, dans l’enseignement supérieur aussi, alors que seules quelques miettes sont octroyées au centre universitaire départemental. Les collectivités privilégient les financements au privé. Alors que les collèges relèvent de sa propre compétence le département vient de reporter la construction d’un collège à Talmont-Saint-Hilaire contre l’avis de la commune et des habitants.

Au niveau local, les nouvelles couches de la population demandent une école publique, mais au nom d’une soi-disant orthodoxie financière, il n’y a aucun soutien de la part des collectivités. Aujourd’hui, 15 communes vendéennes restent sans école et 48 ont une école privée mais pas d’école publique. Il faut cependant constater que l’émergence des intercommunalités et l’apparition des communes nouvelles (10 en 2016 et 2017) modifient la donne initiale. Mais 4 demandes justifiées sont actuellement d’actualité : communes de Maché, La Boissière de Montaigu, Martinet et Givrand.

Des pseudo-raisons démographiques et de vraies raisons politiques président à cette spécificité vendéenne. L’enseignement privé sous contrat et hors contrat (ce dernier en constante augmentation) général et professionnel (réseau très dense des Maisons Familiales Rurales) est au service du formatage aux valeurs vendéennes : tradition teintée d’innovation, docilité, régionalisme, christianisme.

Ø M. Daniel Guillon, président de l’union des délégués départementaux de l’Education Nationale de Vendée :

L’Union de Vendée regroupe les Délégués Départementaux de l’Education Nationale qui assurent leur fonction sur le Département.

Le DDEN est un ami de l’Ecole Publique, son action s’inscrit dans la défense de la Laïcité.

– Il veille aux bonnes conditions de vie des enfants dans l’école et autour de l’école.

– Il oeuvre pour que les projets soient conduits en harmonie entre enseignants, parents et élus. (Conseil d’Ecole)

– Il reste un médiateur, observateur et respectueux.

– Il valorise les réalisations de l’école de la République (concours « écoles fleuries » et « se construire citoyen »).

L’Union permet la mise en commun des expériences de chaque délégué, les échanges sur les actions locales et essaie d’apporter des réponses aux problèmes rencontrés.

Elle travaille avec les services départementaux de l’Education Nationale, les élus… et rencontre régulièrement les partenaires amis.

Elle est affiliée à la Fédération Nationale de D.D.E.N.

En Vendée, sur 267 communes, ¼ n’ont pas d’écoles publiques et 70% sont dotés d’au moins une école privée. Il faut aussi remarquer que moins de la moitié des élèves du 1er degré sont inscrits dans l’enseignement public. Dans certaines circonscriptions, plus de 70% des élèves fréquentent l’école privée.

Il y a 5 ans les effectifs du « public » avaient dépassé la barre des 50%, mais la non-application de la semaine de 4,5 jours par le « privé » a inversé la tendance. L’enseignement privé a eu toute la latitude pour effectuer ce changement, ce qui a pu le favoriser (« argument marketing »). S’ajoute à cela également le fait que les règles d’organisation de l’Education Nationale ne sont pas imposées au « privé » : le calendrier scolaire (possibilité de modifier le calendrier national), l’organisation de la semaine scolaire, l’absence des secteurs scolaires.

Il y a une réelle attente d’ouverture d’écoles publiques. Mais, malgré les effectifs disponibles, il est difficile de les obtenir. Les maires se montrent souvent réticents et le préfet ne réagit pas, donc les classes n’ouvrent pas.

Enfin, certaines municipalités dépensent « sans compter » pour les écoles sous contrat d’association. Ainsi, le coût de l’élève du « public », qui sert de base, est souvent gonflé, les comptes des organismes de gestion des écoles privées ne sont pas vérifiés, et en Vendée, tout ce qui est « financement facultatif » est intégré au coût de l’élève de l’école publique : maternelle, matériel informatique…

Ø Mme Yolande Burneleau, présidente de l’Association des familles laïques :

Il y a, en Vendée, un affrontement de pensée entre deux visions de l’enseignement, de l’enfant, de la famille. Un affrontement qui s’est fait jour à plusieurs reprises, autour de la Loi Veil ou de la loi sur le Mariage pour tous notamment.

L’association des familles laïque permet un accompagnement de toutes les familles vendéennes, car toutes n’ont pas les mêmes chances. Trop souvent les enfants deviennent des variables d’ajustement sans aucune pérennité scolaire pour les familles. L’accès à l’école publique est inégal en Vendée. Il est souvent coûteux et moralement épuisant. S’ajoute à cela un sentiment d’exclusion et une stigmatisation lors de l’inscription au registre en mairie (nécessité de venir à certaines heures précises et nécessité de venir en couple). Ce qui alimente le mal-être des familles.

Etre scolarisé dans le public représente une contrainte financière, « la gratuité est un leurre ». Scolarisé son enfant dans une école publique, sur une commune voisine faute d’école publique dans sa propre commune, coûte cher.

Il ne devrait pas y avoir un enseignement privé si institutionnalisé.

Ø M. Dominique Monnery, Carrefour d’Action Laïque de Vendée – Fédération des oeuvres laïques :

La rentrée 2015 a laissé des traces désastreuses dans le département de la Vendée. Pour la première fois depuis longtemps le département est excédentaire en postes et malgré tout il reste l’un des derniers de la liste au niveau national concernant les seuils d’ouverture et de fermeture et une soixantaine de communes reste sans école publique.

Les écoles hors contrat augmentent (30% d’ouverture en plus par an) : elles sont 21 à la rentrée 2017 et leurs effectifs sont en nette hausse à la rentrée 2018. Il s’agit principalement d’écoles confessionnelles catholiques, mais pas uniquement. On peut noter, entre autres, la fondation de la « Puy du Fou Académie » par Philippe de Villiers, ou encore des écoles qui suivent les enseignements dit « Sudbury » qui nous viennent des États-Unis.

Tous ces éléments expliquent avec le passé historique et politique de notre département les zones blanches que nous pouvons constater. À souligner, la politique en vigueur aujourd’hui est loin d’amorcer une amélioration dans ces données.

À l’origine du « Carrefour d’action laïque » se trouve un leitmotiv : « ni imitatif, ni limitatif ». C’est-à-dire que nous avons voulu ouvrir à une solidarité entre différents mouvements laïques pour miser notamment sur l’ouverture d’écoles publiques.

De 2016 à 2018, de nombreuses interventions seront entreprises pour demander des ouvertures d’écoles publiques à la Boissière-de-Montaigu, Maché, Martinet et Givrand.

·         En 2016, lors de la visite de la ministre de l’Education Nationale, nous lui avons signifié la demande d’ouverture d’écoles publiques. Nous avons reçu une réponse inquiétante de sa cheffe de cabinet jugeant que l’offre était satisfaisante, en citant pour exemple le cas de la commune de Martinet : 1500 habitants, une école privée et 180 élèves.

·         En novembre 2017, contact a été pris avec le délégué du Défenseur des droits.

·         Les multiples demandes de rencontres adressées au rectorat et au DASEN sont restées lettre morte.

·         Au printemps 2018, nous avons rencontré le SG avec le DASEN, puis le préfet accompagné à sa demande par le DASEN.

·         Nous avons également rencontré des députés de Vendée et la présidente de l’Association des maires de Vendée.

Il n’y a eu aucune avancée depuis. Notre demande n’est pourtant pas utopique : à chaque fois que

les effectifs le permettent la République doit faciliter l’accès à l’enseignement public qui est le garant de l’unité nationale. Il s’agit du respect de la loi de 1905. Les lois de la République ne sont pas respectées.

Le « Carrefour d’action laïque » propose donc une riche offre d’activités (ex : organisation de la journée « valeurs de la République et laïcité », le 15 février 2018), une logistique et une production, essentiellement grâce aux bénévoles. En effet, le carrefour regroupant plus de 200 associations (soit plus de 11500 adhérents) est ignoré par le conseil départemental et ne bénéficie que de subventions très minimes.

Ø Mathias Triballeau, président de la FCPE Vendée

Il est regrettable qu’en 2018 il faille devoir faire un rappel à la loi pour faire respecter des droits.

Quelques chiffres sur l’enseignement scolaire en Vendée (chiffres tirés de l’académie de Nantes) :

308 écoles publiques / 225 écoles privées. Ces chiffres ne doivent pas faire oublier que les écoles privés sont plus grandes et plus importantes en termes d’effectifs.

34 collèges publiques / 32 collèges privés. À noter que beaucoup de collèges publics sont plus récents.

10 lycées publics / 13 lycées privés

5 lycée professionnels dans le public / 9 dans le privé

Pour un total de 59 597 élèves scolarisés dans le public et 62 917 dans le privé

Dans le Maine-et-Loire, il y a 90 000 élèves dans le public, 66 000 dans le privé.

Malheureusement certains représentants de l’Etat considèrent que cet état de fait provient de raisons historiques or cette réalité historique est à revoir…

En tant que fédération des parents d’élèves, nous constatons que cette réalité départementale est difficile à comprendre pour les nouveaux arrivés dans ce département attractif.

Nous demandons à ce que les parents puissent choisir. Ce choix est rendu encore plus difficile par la diminution et la fermeture d’écoles publiques du premier degré. S’ajoute à cela la problématique des transports scolaires, souvent coûteux, et des dessertes qui favorisent les établissements privés.

Nous demandons un rappel à la loi devant l’attitude de certains fonctionnaires de l’Etat, et devant les pressions exercées lors de la signature du registre d’inscription dans l’enseignement public (celle-ci devant se faire en présence du conseiller éducation de la commune, en couple, suivant des horaires d’ouverture des mairies souvent très réduites).

Par ailleurs, dès que des parents essaient de s’organiser, une campagne est lancée pour les discréditer en disant qu’ils vont ruiner la ville, sauf à être militant, beaucoup abandonnent rapidement.

Nous exprimons également notre grande inquiétude face à la multiplication des écoles hors-contrat.

Ø M. Jean Burneleau (vice-président OVLGC) :

Je voudrais faire remarquer une donnée qui n’a pas directement rapport avec la problématique.

En Vendée, vous êtes favorisé pour l’emploi si vous avez un parcours dans le privé. Certaines filières n’existent parfois que dans le privé (pour les métiers de bouche notamment). Pour les employeurs la carte du privé vaut recommandation d’excellence.

 

Ø Mathias Triballeau, président de la FCPE Vendée :

 

Je signale que le Procureur de la République du département a déclaré qu’il n’y avait pas de problèmes de radicalisation islamique en Vendée, mais un problème de radicalisation catholique. Dans les débats actuels, c’est à souligner.

 

Ø M. Mathias Triballeau, président de la FCPE Vendée :

Les seuils d’ouvertures de classes sont différents selon les départements. Par exemple, en Loire-Atlantique pour le même nombre d’élèves on ouvre une école, alors qu’en Vendée on la ferme. En Vendée, les seuils sont de 31 élèves pour le secondaire et de 28 pour l’école maternelle, ça fait déjà beaucoup. Bien sûr qu’il faut faire attention aux deniers publics, mais c’est regrettable que tout soit vu sous cet angle. L’école est l’âme du village quand souvent il n’est plus que le seul service public restant. C’est aussi une commodité pour attirer de nouvelles familles et lutter contre la désertification des villages.

Ø M. Nicolas Cadène, rapporteur général :

Quelle est la réalité de la mixité sociale dans les établissements privés en Vendée ?

Ø M. Jean Burneleau (vice-président OVLGC) :

Il faut reconnaître que l’accueil est plutôt populaire et que dans beaucoup de famille même populaires on préfère payer plutôt que d’aller dans le public, où l’encadrement est moins bien réputé et plus éloigné.

Ø M. Mathias Triballeau, président de la FCPE Vendée

Cependant, la mixité sociale de ces établissements diminue plus on monte dans les degrés d’enseignements. Cela se voit notamment à travers les taux de réussite au Bac qui atteignent souvent les 100% dans les établissements privés. Ce n’est pas étranger à une homogénéité de l’origine sociale des élèves (CSP des parents). 10

 

Ø M. Gilles Bourmaud, président de l’Observatoire Vendéen de la Laïcité – Georges Clemenceau :

Tout est fait pour que les parents ne mettent pas leurs enfants dans le public. J’ai un exemple très précis, les circuits de transports scolaires sont pilotés par les régions, mais le département est le donneur d’ordre aux prestataires. Il existe des subventions versées à ces derniers pour que les établissements privés soient desservis plus rapidement que les établissements publics.

Dans la gestion de la carte scolaire, il est possible de transférer la compétence aux communautés de commune.

A la Mothe-Achard, les élus ont essayé en 2017 de se réunir pour proposer une carte scolaire vue par la communauté de communes, et là aussi elle était profitable à l’enseignement privé catholique et défavorable aux établissements publics.

 

Ø M. Daniel Guillon, président de l’union des délégués départementaux de l’Education Nationale de Vendée

Il y a un manque de transparence sur le versement des subventions versées aux établissements privés. En revanche, la transparence est demandée aux établissements publics.

Lorsque nous le soulignons, on nous répond qu’il n’est pas possible d’avoir une telle exigence envers le privé.

Il n’y a pas de compte à rendre dans le privé, pas de justificatif d’utilisation des subventions. C’est une inégalité de traitement.

A L’Hermenault, une école privée (St Cyr des Gats), passée en contrat d’association, continue de percevoir une subvention de 3000 euros, somme correspondant à ce qu’elle touchait précédemment en contrat simple.

Ø M. Jean Burneleau (vice-président OVLGC) :

En Vendée, on est une « anomalie » si on pense différemment des autres vendéens, des « vrais vendéens ». Le phagocytage de la pensée se reproduit d’une génération à l’autre.

Ø M. Daniel Guillon, président de l’union des délégués départementaux de l’Education Nationale de Vendée

La création de « secteurs » et les problèmes de dessertes du transport scolaire oblige à aller plus loin encore, ou dans le privé.

Par ailleurs, le mélange d’enfants de différents niveaux dans un même trajet peut poser problème. Parfois, des élèves de maternelles de 4 ans doivent prendre le même bus que des lycéens et donc de se plier aux horaires des lycées. Alors que lorsque le transport est organisé au niveau communal cela permet aux élèves de bénéficier d’un transport adapté aux heures de leur école.

Ø M. Jean Burneleau (vice-président OVLGC) :

Je souhaiterais conclure en disant que nous ne souhaitons rallumer aucune guerre mais simplement que l’on cesse d’être une exception dans les règles de la République.